Pur hasard ou petit caprice? Cinq jours après avoir fait l’objet d’une farce annonçant sa mort en queue de poisson, le funiculaire de Fribourg s’est arrêté pour de bon. Par chance, l’interruption de trafic n’a duré qu’une nonantaine de minutes. Mis en service en 1899, le funi de Fribourg serait le dernier en Europe à carburer aux eaux usées, grâce à un système de contrepoids. Relique de la Belle Epoque, cette «machine à remonter le temps» est bichonnée par les TPF qui l'exploitent depuis 1970 et qui lui consacrent des révisions régulières à cette curiosité tant historique que touristique connue pour ses effluves chatouillants. «L’exploitation du funiculaire sera définitivement interrompue dès le 1er mai 2023.» Cette annonce des Transports publics fribourgeois date de samedi dernier: «Les pièces de rechange étant difficiles à acquérir et les réparations devenues trop techniques, les TPF sont au regret d’annoncer la fermeture définitive du funiculaire», précisait le texte, complété par une petite vidéo où Marcel, agent du funiculaire depuis 10 ans, exprimait toute sa tristesse à la suite de la fermeture de ce joyau de la ville de Fribourg probablement remplacé par un ascenseur.
La nouvelle, diffusée par le biais des réseaux sociaux, avait même ému jusqu’aux Etats-Unis, si l’on en croit Facebook. Or la date de diffusion aurait pu le laisser deviner: il s’agissait évidemment d’un poisson d’avril. Les TPF ont d’ailleurs reconnu leur canular le lendemain via les mêmes canaux. Sur Twitter, par exemple, ils précisaient: «Vous l'aviez peut-être compris... On ne pourrait pas se séparer du mythique funi! Il continuera de transporter les voyageurs entre la rue Saint-Pierre et la Basse-Ville.» Le trafic a été interrompu ce jeudi 6 avril entre 10h et 11h30 S’il en est un qui a peu goûté à la plaisanterie de la compagnie fribourgeoise, c’est bel et bien le funiculaire lui-même, le seul d’Europe, dit-on, à encore fonctionner grâce aux eaux usées, qui lui confèrent ce parfum si particulier. Jeudi matin, soit cinq jours après la farce du premier jour d’avril, il s’est ainsi permis un petit caprice. Le vénérable centenaire s’est immobilisé jeudi passé aux alentours de10 h, obligeant les TPF à une nouvelle communication.
Cette fois, en revanche, l’information était tout ce qu’il y a de plus sérieux et officiel. «En raison d’un incident technique au véhicule, le funiculaire est interrompu. Les voyageurs sont priés d’utiliser la ligne 4 (Gare routière – Auge) durant la durée du dérangement, qui est indéterminée. Nous vous prions de nous excuser pour ces désagréments et vous remercions pour votre compréhension.» Finalement, le trafic a pu être rétabli vers 11h30. Selon les TPF, «le dérangement était dû à un manque d’eau dans la rame descendante.» Menacé de fermeture en 1996 à cause de la rupture d’un essieu Long de 126 mètres, le funiculaire Neuveville – Saint-Pierre est un résistant. Créé en 1899, il fonctionne, aujourd’hui encore, à l’aide de son système d’origine à contrepoids d’eau. Même s’il a subi quelques rénovations techniques et modernisations, il a conservé son cachet d’antan et nécessite toujours la présence d’un conducteur dans chacune des voitures durant le trajet. Les deux wagons, les rails ainsi que les deux stations qui constituent le célèbre funiculaire sont, comme on peut s’en douter, classés.
Durant sa longue carrière, la ligne fribourgeoise a déjà été menacée de fermeture définitive. Pour de vrai cette fois-ci. Elle a en effet traversé une période de pannes dans les années nonante. La rupture d’un essieu en 1996 a même failli être fatale à cette véritable survivante. On songea à l’automatiser ou carrément à la remplacer par un ascenseur. C’était compter sans les amoureux du funi et les partisans de la conservation du patrimoine: 9000 heures de travail, une rénovation dans les règles de l’art et le classement au rang de monument historique fédéral! La remise en circulation des deux voitures en juillet 1998, après pas moins de six mois de travaux, a réservé une belle surprise: leur robe rouge est passée au vert, leur couleur d’origine en fait. Chaque trajet nécessite 1500 litres d’eaux usées Le funi de Fribourg est une curiosité. «A la station supérieure, perchée à 610 mètres d’altitude, trois minutes suffisent à faire le plein du réservoir logé dans le wagon», lit-on dans un article de «La Gruyère» datant du 2 août 2003. «L’odorant «carburant» est puisé dans une cuve contenant plus de 100'000 litres, située à l’abri des regards, sous la place Python voisine.Gargouillis, cliquetis de la crémaillère et grincements divers agrémentent le trajet.» Deux minutes plus tard dans le meilleur des cas, le wagon lesté de 3000 litres de liquide au maximum – la contenance se règle en fonction du nombre de passagers sur les deux voitures – atteint déjà la station située 126 mètres plus bas et se soulage dans l’égout public.»
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Malgré la concurrence de la voiture et d’une ligne de bus, le vénérable centenaire reste le moyen le plus écologique et le plus rapide de relier le haut et le bas de la ville de Fribourg et il attire encore quelque 200'000 passagers par année en moyenne – on reste loin cependant du record réalisé en 1964, année de l’exposition nationale, avec plus de 630'000 passagers. Malgré ses effluves chatouillants, surtout par grande chaleur, le funi reste très prisé par les hôtes de passage en ville. Un vénérable centenaire bichonné par les TPF Pour rappel, à l’origine, le funiculaire, le funiculaire servait au transport de glace pour l’entreprise Cardinal, située à l'époque en vieille-ville,mais aussi à véhiculer les ouvriers de «la Basse» vers les chantiers de construction des nouveaux quartiers et des industries installées aux alentours de la gare. Ce qui fait dire à certains, dans un langage plus fleuri que «la merde des riches tirait les pauvres au travail». Dû à une initiative de l’entrepreneur Paul-Alcide Blancpain, fondateur de la brasserie, dont l’usine était installée alors dans la ville basse, le funi aurait dû être accompagné de deux autres projets qui n’ont jamais vu le jour, l’un des Grandes-Rames à l’Hôtel de Ville et l’autre dans la pente du Stalden.
Afin de s’assurer de son bon fonctionnement, les TPF bichonnent leur funiculaire. Ils le révisent chaque année au cours des deux dernières semaines de septembre, après la fermeture de la piscine de la Motta, car les nageurs et les baigneurs sont de fidèles utilisateurs de la ligne. Tous les six ans, le funi a par ailleurs droit à une grande révision qui s’étale sur plusieurs semaines et qui consiste à contrôler l’état des différentes pièces qui composent. La dernière remonte à 2020 et la précédente en 2014, devisé à 200'000 francs, avait duré plus de deux mois et finalement coûté le double du montant prévu. Mais c’est bien connu, quand on aime, on ne compte pas!
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