C’est un joli plongeon au cœur du XXe siècle que propose le Kiosque de la Vignettaz, réaffecté il y a trois ans en Maison des ressources. Depuis vendredi, jour de la Fête des voisins, le petit édifice transformé en local communautaire accueille l’exposition «Mémoire vivante d’un quartier» qui sera visible jusqu’au 9 juin. Deux conférences et un repas multiculturel sont prévus dans ce cadre-là.
Saviez-vous par exemple que, jusqu’en 1906, la Vignettaz était rattachée à la commune de Villars-sur-Glâne? Saviez-vous aussi que, plus tardivement que celui de Beauregard en contrebas, ce quartier n'a vu ses premières constructions ouvrières éclore qu’à partir de 1930? Saviez-vous encore que, dans les années 1960, le Café de la Vignettaz – devenu le restaurant chinois Ji Xiang – poussait toutes ses tables pour permettre aux enfants de venir regarder la télévision pour autant qu'ils versent 20 centimes? Saviez-vous enfin que le Kiosque de la Vignettaz faisait office de «Tinder» au siècle passé grâce à son emblématique vendeuse Jeannine Carrel qui transmettait les mots doux que les adolescents se faisaient entre eux? Tout cela, et bien plus encore, vous l’apprendrez en allant visiter ces prochains jours l’exposition «Mémoire vivante d’un quartier».
«Un quartier est une idée plus qu’un lieu!»
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un quartier? Aux yeux de Maxime Felder, «un quartier est une idée plus qu’un lieu organisé autour d’une école, d’une paroisse et de petits commerces». Selon cet ancien habitant de la Vignettaz et sociologue de profession, on s’y identifierait plus ou moins selon l’expérience et les souvenirs qu’on y associe. «Les quartiers sont tous différents, ils ont leur propre histoire et ils ne peuvent être «programmés » dans le bureau d’une administration ou d’une agence d’urbanisme», lit-on notamment sur l’un des panneaux de cette mini-exposition.
A travers une trentaine d’affiches accrochées à l’intérieur et à l’extérieur de l’ancien kiosque de la route de Villars, réhabilité en Maison des ressources en 2021, cette reconstitution ravive souvenirs et anecdotes du temps passé. Un diaporama y est également présenté ainsi que de nombreuses cartes postales et documents anciens.
Ce projet de l’Association Kiosque de la Vignettaz (AKiVi), qui a nécessité six mois de recherches et de rencontres, a vu le jour avec le soutien de l’Etat à travers le programme Senior+, de la Loterie romande, de la Bourgeoisie et de la Ville de Fribourg qui a mis du matériel à disposition. Photos du «mamelon» de Beaumont recherchées
«Il y avait un véritable espace de liberté dans ce quartier», a récemment confié Georges Neuhaus (photo) à «La Liberté». Habitant la Vignettaz depuis plus de trente ans, ce retraité a activement contribué à la création de cette rétrospective hautement nostalgique, tout comme Marie-Alice Jungo, Roger Dinichert ou encore Marcel Roulin. A l'époque, il y avait bien sûr le fameux kiosque. Il y avait aussi la patinoire naturelle, située dans les années 1960 sur l’actuel terrain de basket et ressuscitée en 2009, le temps d’un hiver. Il y avait enfin le téléski du «mamelon» de Beaumont. De cette installation, grâce à laquelle des jeunes de la Vignettaz ont appris à skier, les initiateurs du projet «Mémoire vivante» recherchent d’ailleurs désespérément des images car le projet va continuer d’évoluer au fil de rencontres et d’ateliers. Comme l’a annoncé Georges Neuhaus lors du vernissage: «D’autres photos et anecdotes seront glanées et permettront, si tout va bien, la mise en place d’une nouvelle exposition d’ici 2026.»
En attendant, la rétrospective actuelle revient notamment sur la présence du tram dans le quartier. Après s’être arrêtée au niveau de la Brasserie Beausite en 1900, la ligne sera en effet prolongée en 1936 jusqu’à l’arrêt Vignettaz/Daler, juste à côté du kiosque. Sur l’une des affiches de l’exposition, on apprend en outre que les rails du tronçon Beauregard-Vignettaz proviennent du pont de Pérolles. En effet, lors de la construction de cet ouvrage, on espérait ou on imaginait une ligne allant jusqu’à Marly.
Par ailleurs, lit-on encore, «ce sont des ouvriers au chômage lors de la grande crise qui ont effectué la pose de ces rails». En outre, entre 1949 et 1951, année où la liaison en tram entre la gare et la Vignettaz a été supprimée, les habitants du quartier étaient particulièrement bien lotis puisqu’ils avaient droit à la fois à un tram et à un trolley, toutes les 5 minutes, en alternance. Sans rire, on peut donc donner raison en l’occurrence à ceux qui affirment que «c’était mieux avant»… Le rôle social très important des commerces Plus sérieusement, l’exposition «Mémoire vivante d’un quartier» raconte encore les petits commerces que la Vignettaz a connus entre 1950 et 1990. Ceux des familles Mühlhauser et Francey ou de Mme Seydoux. Elle se souvient aussi des boulangers Huber et Lauper qui livraient le pain à la maison. Tout comme le kiosque, ces commerces jouaient un rôle social très important. C’étaient les seuls endroits où l’on pouvait téléphoner. De plus, les carnets dits «du lait» fonctionnaient comme des précurseurs des cartes de crédit puisque les achats effectués se payaient à la fin du mois.
Avec la construction de la Cité des Alpes, à la fin des années 1950, trois nouveaux commerces ont vu le jour: la boulangerie-pâtisserie et tea-room Walker (actuellement Saudan) dont on voit l'intérieur d'époque sur la photo ci-contre (© BCU), la laiterie Rolle (actuellement Palais du fromage) et enfin le Restaurant de la Vignettaz (actuellement Ji Xiang), son patron de jadis «Noldi» et son serveur Martin connu loin à la ronde. C’était le fameux temps où le laitier amenait beurre et lait à domicile à l’aide de son fameux chariot électrique et où colporteurs et rémouleurs passaient de porte en porte. > L’exposition est visible de 14h à 19h jusqu’au 9 juin au Kiosque de la Vignettaz à Fribourg. Un repas multiculturel y aura lieu le samedi 8 juin. Deux conférences sont prévues dans ce cadre-là à la salle de réunion de l'église néo-apostolique (sentier du Gibloux 2): le mardi 28 juin à 19h30 sur «Les jardins de la Vignettaz» par Ruth Vorlet, architecte-paysagiste, et le jeudi 6 juin à 19h30 sur «Les recueils de vie» par Shirin Sotoudeh, professeure à la Haute école de travail social de Berne.
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